Misophonie: Pourquoi entendre des gens manger peut vous faire rager !!
Si un bruit spécifique –par exemple, quelqu’un qui mange à côté de vous– suffit à vous pousser à bout et vous donner envie de déguerpir, il se pourrait bien que vous ne soyez pas uniquement atteint de surmenage ou d’intolérance à autrui, mais que vous souffriez d’une réelle maladie: la misophonie. Et, comme le révèle une étude en passe d’être publiée dans la revue Current Biology, que l’activité de votre cerveau puisse en attester.
Les causes de la misophonie, soit le fait d’être littéralement torturé par certains sons, sont encore très mal connues. De fait, la maladie n’a été décrite qu’au tournant du millénaire et, jusqu’en 2013, seules deux études de cas avaient été publiées à son sujet.
Grâce aux recherches plus systématiques menées depuis, on sait désormais qu’elle n’est pas l’annexe ou la manifestation d’une autre affliction psychiatrique, comme un trouble phobique ou obsessionnel compulsif, et que la détresse des misophones n’est pas loin d’être invivable.
Torture
Une étude de 2013 montre ainsi que la physiologie d’un misophone confronté au son qui l’insupporte est propre à la réponse de combat-fuite –soit un mécanisme de survie sélectionné par l’évolution pour gérer la rencontre avec un prédateur. Pour autant, les individus atteints de misophonie ont encore bien souvent toutes les peines du monde à être pris au sérieux.
Le New Scientist cite le cas d’Olana Tansley-Hancock qui, dès l’âge de 7 ou 8 ans, s’est sentie profondément dérangée par le bruit de mastication de ses congénères, et même bien plus que cela. La jeune femme parle d’une véritable torture qui, à l’adolescence, la pousse à s’isoler autant que possible à l’heure des repas. En vieillissant, son trouble s’aggrave et en vient à être déclenché par les papiers qui se froissent, les pas qui résonnent dans les trains ou les touches des claviers qui cliquettent dans l’open-space.
Un problème qu’elle sait aujourd’hui attribuer à la thérapie cognitivo-comportementale suivie un temps et qui, à tort, assimilait sa misophonie à une phobie –ce qui nécessitait une confrontation progressive et contrôlée avec les sons déclencheurs. À la fois scientifique et sujet d’étude, Tansley-Hancock s’est spécialisée dans la neurobiologie des troubles psychiatriques en général et du sien en particulier. Son nom apparaît parmi les dix signataires de l’étude de Current Biology.
Nouvelle étude
Dans ce travail, dirigé par Sukhbinder Kumar de l’université de Newcastle, 20 volontaires atteints d’une forme grave de misophonie ont été comparés à 22 autres, ne présentant pas ce trouble. Pendant que les chercheurs surveillaient leur cerveau, les individus des deux groupes allaient écouter des sons neutres ou «blancs» –la pluie qui tombe–, déplaisants –les cris d’un bébé– et déclencheurs de misophonie –des bruits de mastication ou de respiration.
Il en ressort que si les misophones et les non-misophones réagissent de la même manière aux deux premiers types de bruit, seuls les misophones manifestent une réponse combat-fuite –un rythme cardiaque significativement accéléré et une augmentation de la conductance cutanée, notamment– à l’écoute des sons déclencheurs. De même, seulement chez les misophones, les scanners cérébraux révèlent un pic d’activité dans le cortex insulaire antérieur, une région connue pour intervenir dans les mécanismes de l’attention. Globalement, c’est grâce au cortex insulaire antérieur que nous savons nous concentrer, c’est-à-dire orienter notre attention sur tel ou tel stimulus et en ignorer d’autres.
Mauvaise focalisation
Ces résultats pointent donc vers une perturbation de ce système de focalisation dans le cerveau des misophones, un dysfonctionnement qu’il leur fait associer des sons autrement anodins à des réactions émotionnelles disproportionnées. Car non seulement le cortex insulaire antérieur est suractif chez les misophones confrontés aux sons qu’ils abhorrent, mais ses connections avec d’autres régions cérébrales, régulant la mémoire et les émotions, sont elles aussi anormalement denses.
En attendant d’en savoir davantage sur le mal qui lui pourrit le quotidien, Tansley-Hancock devra continuer à fuir ses prédateurs sonores ou à s’adapter à leur présence, en portant des boules quiès, voire en se concentrant pour synchroniser sa mâchoire avec celles des personnes qui partagent ses repas.
Source : Slate.fr
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